Recife, Brésil, novembre 1998.

Après une traversée mouvementée, nous sommes arrivés au Brésil le 2 novembre.

Le gazoil acheté à Séville étant un mélange d'eau et de boue... Nous avons été obligé de faire une escale technique au Canaries pour réparer la pompe du moteur. Puis au Cap Vert pour réparer quelques éléments du grément qui avaient souffert pendant une tempête et laisser passer les ouragans qui se formaient....

F nedge boite petit.jpg (18066 octets)Le premier atelier s'est déroulé dans "Ile de Dieu", dans la proche banlieue de Récife, "Cette île s'appelait l'Ile   sans Dieu car il n'y avait pas de pont ; Depuis peu il y en a un alors ses habitants l'appellent l'Ile de Dieu. Pour moi , dit le taxi qui nous accompagne , c'est l'île du diable...."

Nous franchissons la passerelle qui sépare l'île du" continent " chargés des caisses du matériel, une myriade d'enfants nous aident. Ici, la pauvreté se conjugue avec la pollution. Des cabanes sur pilotis, du fait des marées importantes, des sentiers qui deviennent marécages à la première pluie, peu de bâtiments sont en dur si ce n'est le bar et la crèche.

rec 09'.jpg (8047 octets)Le laboratoire est installé dans un local utilisé par les pêcheurs. Après avoir résolu les problèmes de la lumière, de l' eau, nous finissons au bout de deux jours d'installer un véritable laboratoire. Les enfants ne peuvent contenir leur curiosité et viennent visiter ce lieu, noir, étrange éclairé par des lumières rouge et jaune.

Si Magellan est un inconnu pour eux, ils écoutent d'une façon attentive l'histoire du navigateur. Alexandre me demande : " Dis-moi, quel genre d'appareil photo avait Magellan? une boîte?..."

Aucun des enfants va à l'école, il n' y en a pas sur l'île. Exceptée Neide. Elle a quatorze ans s'occupe de ses frères et soeurs et à quatre heures du matin, elle part avec sa mère vendre du poisson au marché rentre chez elle, fais le ménage, la cuisine et après se fait son école sur un vieux livre scolaire. L'histoire de la photo est vite absorbée, mais l'explication du fonctionnement de la boîte leur semble douteuse. Comment une boîte peut-elle faire des photos? " Ces boîtes, servent à mettre la farine dit Véra alors faire des photos..."

rec 02'.gif (38784 octets)Nous chargeons les sténopés et partons faire les prises de vues, les adolescents en moins d'une heure ont pris leur image. Arrivée dans le laboratoire, il faut calmer les esprits, les enfants, exités veulent tous développer en même temps....Les premières photos se révèlent doucement, les ados explosent de joie. Véra me dit sur un ton de confidence:" on croyait que c'était un stage avec de vrais appareils on était surpris, un peu déçu mais honnêtement on se demandait si on ne se moquait pas encore une fois de nous...

 

Les enfants avalent leur déjeuner et viennent nous rejoindre rapidement. L'île n' a aucun secret pour eux, et nous la dévoilent : Tour sur une barque, "ici c'est la petite Venise" lance Edson . Baraques en bois brinquebalantes au premier plan, buildings de Boa Viagem en arrière plan. On s'arrète pour photographier un nettoyeur de coquillages géants, à quelques mètres une piste d' atterrissage... Derrière la mangrove le terrain de foot, lieu sacré au Brésil. Petite digue maigrelette pour retenir l'eau du rio, une marée de bouteilles, de sacs en plastique flottent nonchalament. Les boîtes calées, les angles calculés, la lumière prise, les gaffer s' enlèvent prestement du sténopé." Tu vois, m'explique Neide c'est bien de pouvoir montrer ce qui ne nous plait pas, rien n'est fait pour améliorer la condition de l'île, des promesses... Les rues sont sales, l'eau polluée, pourtant on a tout de même de la chance d'avoir un chez soi."

En allant photographier, ils déhambulent fièrement avec leur boîte, la sage femme qui a mis au monde la plus part des enfants de l'île. Une vieille interpelle Ly," combien vends- tu la boîte ? Ce n'est pas une boîte, c'est mon appareil photo, pff !! rétorque la femme, juste bonne pour mettre de la farine, Ly éclate de rire".

Chaque jour les enfants progressent dans leur image, rentrent dans le cadre, affirment leur constat. Neide s'approche d'un homme endormis en plein soleil, cuvant la cachaça. Il se lève, titube refuse d'être photographier et se rendort aussitôt. Neide persiste, pose la boîte calcule sa visée. " Ici trop de gens boivent, il n'y a rien à faire d'autre, m'explique-t-elle. Retour au laboratoire où les 45° ambiant accélèrent le développement. La photo est simple, forte, troublante. Plus tard l'homme vient me voir d'un pas ferme, me prend la main: "cette photo me plait on me croit mort et j'étais mort" , dit-il en éclatant de rire. Le dernier jour, scéance d'écriture, les ados font les légendes. En général, c'est long et les enfants traînent à la tache. Au bout d' une heure , ils viennent nous voir: Peut-on faire quelques photos? En rangeant le matériel Ly vient me voir : "tu diras à celui qui aura ma petite boîte de bien y faire attention, d'en prendre soin..."

En chemin, Adriano m'interpelle, " tu vois, en général c'est la presse qui vient ici pour montrer la violence, la drogue, mais jamais comment et où l'on vit. Maintenant nous allons faire voir cela, pas seulement au Brésilien mais au monde entier!"rec 07'.gif (43296 octets)

Le deuxième groupe est issu de la petite classe moyenne, c'est déjà un autre monde. Nous sommes au coeur de Récife, le laboratoire installé dans une école professionnelle.. Dés le premier jour l'ambiance est donnée : Six professeurs sont là. Les enfants sont tendus, coincés. Après quelques palabres les enseignants veulent bien nous confier les enfants.

Certains refusent de monter dans le car sans leur professeur. Explication, acceptation et nous partons, enfin... Difficile pour eux de comprendre notre refus de maternité du système scolaire . On est loin de l'enthousiasme des "enfants de l'Ile de Deus".

rec 05'.gif (48978 octets)Dans le car : la samba, les chants, la danse, les petites têtes brunes commencent à se relâcher. Les prises de vues demandent du temps, il est difficile d'apprendre à regarder...

Nous partons visiter un quartier chic de Récife on doit aller au dernier étage d'un hôtel. Je croyais que les enfants se disputeraient pour y aller. Erreur, deux volontaires : José le plus petit du groupe et Livia. Dans l'ascenseur je vois José fixer les étages qui défilent. Arrivée en haut de l'immeuble, il choisit rapidement son angle. Puis compte ,se trompe. On recommence. Là, il oublie de compter... tétanisé par "l'altitude" et la forêt de building.

Se succèdent de longues promenades où défilent : le palais du gouverneur, le cimetière, la vieille ville, le monument contre la torture. Une photo collective est réalisée, seul quelques enfants en connaissaient l'histoire.

 

Le laboratoire installé dans l'école professionnelle de CQP Sao José, fonctionne bien et les enfants deviennent vite des "pros" du tirage. Le dernier jour j'invite trois enfants de " l'île de Deus" à partager leur expérience avec les enfants du centre. Très vite l'image, la musique les rassemblent et armées de boîtes nous allons à Olinda, patrimoine mondial, où les riches portugais demeuraient à l'époque de la colonisation.

Pour conclure ces deux ateliers une exposition, avec soixante dix photos, est organisée le 24 novembre au fort Portugais du XVIe siècle : Forte das cinco pontas. Un groupe de musique et de danse Frevo est invité. La direction de la culture et de l'éducation sont présentes. Une autre exposition aura lieu la semaine suivante à l'Alliance Française puis dans un car qui sillonnera l'état et enfin en février à Sao Paulo.

Des cartes postales des meilleurs sténopés seront éditées et la vente sera donnée à l'association qui s'occupe des enfants de la favelas.

 

 

 


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Dernières modifications : 30 juin 2001.

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