Punta Arenas, Chili, Février-Mars 1999.

Laissant la chaleur du Brésil nous avons atterri le 14 Janvier 1999 à Punta del Este en Uruguay. Dix neuf jours d'une mer qui commençait à se rebeller pour préparer le Tiki Yo à affronter les 40éme rugissant.

Après dix jours d'escale, nous laissons le Rio de la Plata. Magellan pensait que c'était le fameux passage pour le Pacifique.

Pascal Mahé, notre nouveau skipper rejoint l'équipage et nous appareillons pour Punta Arenas le 2 février. Dépression aux abords des 40éme rugissant, tempête surprenante dans les 50éme hurlant... Le Tiki Yo surmonte tous les obstacles avec quelques égratignures. Nous pénétrons le détroit, fatigués, après avoir essuyé des dépressions tous les deux jours. L'étrave du Tiki Yo fend l'eau émeraude du détroit , accueilli par les dauphins, très élégants : smoking noir et blanc. Le vent glacé nous pousse doucement sur Punta Arenas que nous atteignons le 20 février. Télévision, presse écrite sont présent le jour de notre arrivée.

punta arenas 14'.jpg (10608 octets)Petite ville du bout du monde, Punta Arenas a connu son heure de gloire à la fin du siècle dernier. Les navires empruntaient le détroit de Magellan plus protégés que le Cap Horn. Il n'empêche, 7000 épaves ont été répertoriées dans le détroit; dont les noms des petits ports, des îles et des baies sont révélateurs: port famine, ile de la désolation , baie de la dernière Chance...Depuis l'ouverture du canal de Panama, les navires empruntent peu cette route, et la ville ne s'est guère développée.

"Huit mois d'hiver, un été à 13°c de moyenne, 300 jours de pluie par an . Bienvenue à Punta Arenas" nous dit en souriant Hugo Barrientos, adjoint du maire. " Ici, la ville s'agrippe sur le globe, on ne peut plus reculer... C'est la ville la plus australe du Chili." punta arenas 21'.jpg (8149 octets)

Peu de distraction pour ces enfants du bout du monde qui sont, dés la première heure très attentifs. Magellan est pour eux une personnalité connue : la province, journaux, place, boutiques portent son nom . Le sténopé tient pour eux d'une invraisemblance tout comme notre voyage autour du monde. Aristote, Léonard de Vinci , Niepce de magiciens étranges...

Les enfants âgés de 9 à dix sept ans de milieux sociaux différents se promènent timidement dans la ville. Les parents gâtent et protègent excessivement leurs progénitures. José 15 ans, lit des bande dessinées en permanence, Nicolas 10 ans se tord les doigts régulièrement, timide, silencieux, dos courbé regarde à terre en permanence. le premier jour, les essais sont désastreux : papiers photos mis à l'envers, gaffer décollés, temps de pose dépassé , les enfants sont déçus. Le lendemain, pensant qu'un certain nombre ne viendrait pas je suis étonné de les voir tous présent et à l'heure. punta arenas 27'.jpg (10866 octets)

Les boîtes chargées, nous arpentons la petite ville, la pluie, le vent glacé qui souffle de l'antarctique ne découragent pas le groupe. Sur la place de Magellan une vieille nous observe, s'approche de nous, passe rapidement en criant : "sorcellerie ! magie noire ! que font-ils tous ces marmots avec ces boîtes?"

Les premières images commencent à apparaître. la satisfaction de certains, la déception des autres rendent la tâche ardue... Au bout de quelques temps, les enfants commencent à se lâcher : Ils vont vers les gens pour leur demander l'autorisation de les photographier, escaladent des statues pour y déposer une boîte, pénètrent dans des cours obscures. La retenue des premiers jours fait place à une envie de voir, de comprendre, de découvrir... Manuel vient me voir l'air soucieux :"ne pourrait- on pas ajouter une lentille au sténopé et un déclencheur ?" - "on pourrai appeller cela un appareil de photo et je t'appellerai Nicéphore Niépce! Le garçon part en souriant et se plonge dans de nouvelles recherches...R cepia enfants'.jpg (13096 octets).

Nicolas se transforme l'image lui sert de révélateur. Il se redresse, affirme son point de vue. Un soir, il explique d'un ton professoral le sténopé à son père, étonné .

Les promenades dans la ville se succèdent. Daniela va au port, photographier des pêcheurs. Les hommes, vont et viennent de tous cotés, déchargent des caisses de gros congres. Daniéla au milieu de ce brouhaha tient sa boîte serrée contre elle et la regarde fixement jean Philippe lui demandes : "que fais- tu ?" je me concentre..."Vous pêchez cela tous les jours ?" demande la fillette, "non petite, seulement un mois par an. Tu vois les Japonais ont une concession plus importante que la nôtre. Ils vont le tuer notre détroit !" punta arenas 24'.jpg (8265 octets)

Pablo , le plus jeune du groupe pleure dans un coin je m' approche, il refuse de me parler. Après maintes ruses, il m'explique, la larme à l'oeil : "je voulais photographier la grosse ancre de la capitainerie mais elle a déjà été prise..." Retour au laboratoire où les petites mains deviennent expertes au tirages des photos. Le roi de la lecture des Bd ne lit plus. Théo vient voir Patrick demain ma mère vous invite à un goûter Magellan". "-Magellan?"."- C'est manger jusqu'à en vomir..."

Nous allons à 70 km photographier le fort Bulnes. Le père de Nicolas me dit, mon fils ne peut venir, c'est trop dangereux.. Au fort, je vois arriver , le père de Nicolas essoufflé qui vient me saluer chaleureusement : " Nicolas devenait fou à la maison car il ne pouvait faire cette séance de prise de vue, alors je l'ai accompagné!"

Nous grimpons jusqu'au mirador sous une pluie glaciale transpercée par des rayons de soleil qui nous offre un superbe arc en ciel. Là une maison étrange abhorre un mat avec une vingtaine d'écriteaux où des noms de ville avec leurs distances et leurs directions sont inscrites : Paris 13260Km, New York 10260km, Londres 13600Km... Pamela s'empresse de le .photographier. Nous continuons notre route. A midi, de retour au laboratoire , une femme s'engouffre derrière les enfants. "Qui êtes-vous, que faîtes vous avec ces boîtes demande- t -elle? je vous ai suivi tout la matinée ,depuis que vous avez mis cette boîte devant mon mât ! Rire des enfants! Les photos développées, la femme rassurée, repart avec un carton d'invitation pour le vernissage. Les enfant veulent aller au cimetière, Paméla en chemin , me confie : "tu sais je vais photographier la tombe de ma grand mère, elle est trés jolie". Arrivée dans ce lieu étrange, elle fait scrupuleusement le tour, regarde, observe attentivement. Elle s'approche de la tombe, se concentre et me dit de sa petite voie : "tu sais je ne vais pas faire cette photo car en réalité je ne l'aimais pas beaucoup ma Grand mère!"

punta arenas 07'.jpg (10720 octets)Le dernier jour de l'atelier, Léo veut immortaliser un militaire en tenue. Après une longue discussion l'homme se prête au désir de l'adolescent. Il mesure la lumière : "deux minutes de pose" dit-il à l'homme qui fait la grimace. Dans un superbe garde à vous, le sergent prend la pose. "on dirait un soldat de plomb lance José mais non! rétorque Léo ,chez les soldats c'est le cerveau qui est en plomb!" Les yeux du militaire lance des flammes, mais reste en place .

 Pour ponctuer l'atelier l'exposition a lieu le 8 mars 1999 à "la Casa Azul del Arte". Quarante cinq photos ont été accrochées. Le Préfet, le maire et le directeur de la culture étaient présents. Sous la pression des enfants et du directeur de la "la Casa Azul", un atelier permanent de sténopé va être organisé à Punta Arenas.

 

 

 


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