Espagne, Séville, août 1998.

Après une semaine de mer sans vent, le TIKI-YO rentre dans Séville le 15 août 1998 après avoir remonté le fameux Guadalquivir.sev 01'.gif (14678 octets)

Séville au mois d'août, c'est 45° à l'ombre et la désertion de ses habitants pour des terres plus fraîches...

Les humains qui traînent sur cette terre sont soit des touristes qui ont mal lu leur guide, soit des gens très pauvres... Toutes les activités sont ralenties et les bureaux ouvrent juste le matin.

Accueilli par la : Ayuntamiento (mairie) de Séville. Nous prenons possession des lieux : restructurons et rénovons entièrement le laboratoire qui était laissé à l'abandon.

Alphonso, le sous-directeur nous prévient que les enfants sont un peu difficiles... et qu'il est préférable que l'atelier se déroule entièrement avec eux. Ils habitent la banlieue de Séville dans la cité de "Los Berme jales".

sev 08'.gif (45835 octets)C'est dans une tempête de cris, de jurons que le groupe de dix-huit enfants âgés de neuf à dix neuf ans arrive. Virginia notre interprète semble un peu décontenancée et a du mal à comprendre leur jargon. Loin des enfants calmes et attentifs de la Ciotat, nous avons à faire à de petits diables. Les chaises sont tirées de tous côtés, les coups pleuvent entre les adolescents. Au bout d'une heure, j'arrive lentement à me faire entendre grâce à Virginia qui use de tous ses poumons afin de se faire entendre.

Magellan ? Personne ne connaît et pour cause dans la capitale andalouse c'est el Cano qui a reçu et reçoit tous les hommages : monuments, nom de rue... Le groupe prête attention à l'histoire de Magellan et redouble de sagesse lorsque j'aborde sa mort, les questions fusent...

Je tente dans un brouhaha digne d'un souk d'expliquer l'histoire du sténopé. Cela semble irréel et il leur devient impossible d'y croire lorsque je leur montre la boîte, ils s'attendaient tous à de vrais appareils photos - Déception -

sev 06'.gif (21447 octets)Pour les convaincre, je pose une boîte à terre et leur propose de faire fonctionner l'obturateur. Les garçons s'approchent timidement et le plus jeune ose enlever le gaffer. Les filles refusent catégoriquement... Lors du choix des lieux pour réaliser des images, on s'aperçoit qu'ils ne connaissent absolument pas la ville. Ils confondent l'Alcazar avec une fabrique de tabac; pourtant leur cité est à une demi- heure de bus.

Après l'utilisation de la cellule qui semble les intéresser, ils chargent les boîtes. Nous tentons de partir, mais les filles refusent de venir. La boîte porte atteinte à leur look et, "c'est la honte de sortir avec une boîte de conserve..." Après deux heures d'explications et de stratagèmes, elles se décident à sortir. Macarena glisse la boîte sous sa chemise. Je m'aperçois qu'elle ne croie pas que celle-ci puisse être un appareil. En chemin les adolescents ont des discussions intéressantes : comment escroquer les cartes de crédit avec un négatif, jouent au football avec des oranges cueillies aux arbres et Roberto, le plus jeune décrit les fesses de Virginia.

Petit à petit la boîte s'impose et chacun choisit précisément son image. La plus part des enfants ont leurs parents au chômage et Raquel, dans un éclat de rire, me dit que son père est recherché par la police pour avoir voulu tuer sa mère... Derrière nous les coups pleuvent entre les ados. Certains se lamentent pour la fatigue qu'occasionne la promenade, d'autres vont se baigner dans une fontaine en attendant la pose du sténopé.

sev 10'.gif (45697 octets)Au laboratoire, ils veulent tous être les premiers, c'est la minute de vérité. Premier temps de silence, la feuille est plongée dans le révélateur, l'image révélée est accueillie par des cris, difficile de calmer leur ardeur, les images ratées se traduisent par un silence de mort... Le lendemain, Alphonso le sous directeur est étonné de les voir tous présent et à l'heure.

Les filles, les premières vont rapidement au laboratoire et chargent les boîtes, les garçons suivent. Quatre adolescents sont restés au laboratoire pour tirer les photos faîtes la veille. Le gros de la troupe commence à s'impliquer réellement. Nous sommes dans le quartier de Santa Cruz, dans la vieille ville. Un policier arrête des enfants pour leur demander ce qu'ils font avec ces boîtes. Jesus, onze ans, à beau expliquer en mélangeant Magellan, Aristote, Léonard de Vinci et Niepce, le policier n'en croit pas un mot et éclate de rire. D'autres enfants furieux, viennent à la rescousse en criant, le policier ne veut rien entendre. Les enfants m'appellent et l'homme, sûr de lui me lance : "oui oui je sais il y a un appareil de photo dans la boîte...". Fou rire des enfants-Dernière explication, il acquiesce en ce frottant le menton. Les enfants repartent fièrement avec leur boîte. Valme Zapata, quatorze ans, m'interpelle : "nous sommes des photographes, pas des voyous..."

sev 05'.gif (35802 octets)Les images se font doucement au gré des promenades dans la capitale andalouse, les enfants découvrent leur ville, l'œil s 'aiguise, de bonnes images apparaissent. Ils écrivent leurs légendes et une lettre pour "les enfants du monde", la dernière question : " Est-ce que chez- vous on tue des gens ?"

 

L'exposition a eu lieu à " Las Columnas" dans le patio d'une maison andalouse du XVIIe siècle où une quarantaine de photos ont été exposées.

 

 

 


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